LES TRADITIONS ONT LA VIE DURE

Puvirnituq, 21 septembre 2013

Déjà deux semaines sans nouvelles. C'est l'anniversaire de Chantal. Bonne fête ma chérie!
Les couleurs d'automne... faut se pencher pour en faire partie.




D'excellents bolets!

Le bouleau nain... pas plus de 6 po de hauteur!


Pour ceux qui ont le moindrement suivi les histoires d'horreur racontées sur la volonté de nos gouvernements de sédentariser les Inuits dans le but de mieux les assimiler, vous vous souvenez qu'une des premières exactions qui ont alors été commises fut de tuer les chiens afin d'empêcher les populations de continuer de pratiquer le nomadisme... ils voulaient soit-disant les civiliser! C'est comme ça qu'ils ont enlevé les enfants de leur famille et qu'ils les ont amenés dans les orphelinats et les pensionnats du sud avec les conséquences que vous connaissez probablement. On les empêchait de parler leur langue, de pratiquer leurs rituels, leurs jeux, etc. La plupart en sont revenus plus amochés qu'«éduqués». Ils ont enduré les pires souffrances dues à la séparation d'avec les leurs et à de la maltraitance physique, psychologique et sexuelle. Certains ont même dû retourner dans le sud, étant dorénavant incapables de communiquer avec les leurs puisqu'ils n'ont pas pu apprendre la langue Inuktitut... Beau gâchis! Ce pourquoi nos gouvernements se sont excusé... bien maigre consolation!

Le Nunavik et le Nunavut vivent avec les conséquences de ces exactions. L'une d'elles est que les grands-parents et parents des enfants qui sont actuellement à l'école primaire et secondaire n'ont à peu près pas connu ce qu'était une vraie vie de famille. Ils n'ont pas pu apprendre ce que c'était que d'être des parents... Ils doivent tout réinventer ; ce qui ne peut pas se faire sans un minimum de tâtonnements et d'erreurs stratégiques comme disent les gestionnaires... Ils font comme nous tous ; ce qu'ils croient de mieux selon les circonstances du moment.

Malgré tout, il y a des traditions qui ont la vie dure. Ici, à Puvi, les gens se parlent en Inuktitut, la communauté possède des chambres froides et de grands congélateurs et le fruit de la pêche et de la chasse est collectif. La communauté est constituée en coopérative et possède à peu près tout : toutes les maisons sauf une, tous les bâtiments tels les écoles, hôtel, entrepôts, commerces, machineries, aéroport, routes, tout! Paraît que la coopérative a fait un bénéfice de 3M$ l'an dernier. Pas si mal tout de même! Parmi les traditions qui subsistent, la chasse et la pêche à des fins de subsistance collective est certainement la plus significative. Ils ont une radio communautaire et lorsqu'il y a une montaison d'Omble arctique ou le passage d'un troupeau de caribous ou d'un groupe de phoques ou de bélugas, tout le monde est rapidement informé et les chasseurs-pêcheurs partent à l'assaut! Si la plupart d'entre eux possède un VTT ou une motoneige, ils sont encore nombreux à utiliser les traîneaux à chiens pour se déplacer en hiver.

Mustaffa, mon collègue de travail à la maintenance, a un attelage de chiens. On n'a pas vu ses chiens et pour cause, ils ne sont pas au village. Ils sont sur une île inhabitée au large. Ils y vivent librement, en meute. Ils conservent leurs qualités de membres d'une meute! Comme ça, quand vient le temps de les atteler au quamutiq (le traîneau, se prononce ramutic), ils sont habitués à être ensemble et ça rend le travail plus facile. L'ordre est bien établi dans la meute et le chef est connu et respecté. Mustaffa doit donc aller les nourrir en bateau, beau temps, mauvais temps. Et il n'est pas seul à laisser son moteur hivernal gambader sur les îles du coin. En fait ils seraient plus d'une dizaine, chacun ayant sa propre île pour sa propre meute! Mustaffa m'a offert d'aller faire du traîneau à chiens avec lui l'hiver prochain ; bien sûr qu'on va y aller!

Samedi dernier, Moustaffa m'a amené à la chasse. Il utilise son magnifique canot (freighter) de 24 pieds avec une moteur de 75 hp; ça déménage! On n'a pas vu de caribou mais on a quand même chassé des oiseaux migrateurs ; j'en ai raté 2 et pris un, lui aussi! On a aussi levé ses filets. Une bonne douzaines d'Ombles arctiques et une vingtaine de corégones (pointus) composaient la soixantaine de livres de poissons pris dans les mailles des trois filets. La récolte servira principalement à nourrir les chiens alors que les Ombles et quelques corégones seront soit consommés frais soit congelés. Une partie de la récolte sera également apportée à la maison des aînés ; une tradition de partage importante par ici parce que la récolte de venaison demande des efforts et des équipements que les aînés ont été forcés de se départir en raison de leur baisse de capacités. Pour le caribou, il semblerait que la migration aura lieu quelque part en novembre. On verra bien. Paraît aussi que l'hiver est une bonne période pour la chasse au caribou. C'est possible qu'on retourne chasser et pêcher samedi. Dans le village, il y a 2 grandes chambres de congélation : une pour le caribou et le poisson, l'autre pour le béluga et le phoque. Les chasseurs et pêcheurs y rapportent une partie ou la totalité de leurs prises qui sont à la disposition de toute la population Inuit... c'est pas pour les touristes! Ils ont bien raison. Beaucoup préfèrent manger leur viande congelée, crue, en minces tranches. D'autres apprêtent leurs plats comme nous. Moustaffa m'a fait goûter du foie et des œufs d'Omble arctique crûs ; c'est délicieux! Pour la chair, on la consomme déjà en tartare ; on préfère avec des assaisonnements.


Le thé du Labrador, notre potion quotidienne remplace bien la bière...
Ses feuilles ont à peu près 10% de la taille du thé de chez-nous.

Pierre, tourbe et toile... La peau de caribou aurait mieux résisté au vent...


La température, on aime ça en parler... Il a neigé dans le sud il y a deux semaines... à Fermont! Dix centimètres. Ici, rien. Il fait entre 5 et 15 degrés C depuis qu'on est arrivés et il pleut pratiquement chaque jour ; c'est le propre du nord : un nuage, quelques gouttes, un rayon de soleil, quelques mouches! Mais rien de bien dérangeant. Rarement assez d'eau pour aller chercher l'imperméable et jamais assez de mouches pour se mettre du répulsif. On est pratiquement toujours confortable dehors à la condition d'avoir un bon coupe-vent parce qu'il vente presque tout le temps. On a cueilli des canneberges (atocas) et Chantal en a fait de la confiture. Délicieuse! On va y retourner. Ça va faire changement du poisson.

Commentaires

  1. Un résumé intéressant d'une des tragédies de notre pays. Malheureusement. Vous devez vous rendre compte sur le terrain de la blessure des gens.

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    1. Comment se passe le travail de Chantal est-ce que son vécu à inspiré tes écrits.
      Et finalement est-ce que ton VTT est arrivé ?

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    2. C très intéressant de vous lire!!! Si bien que je reste sur mon appétit... Comment se conjugue l'enseignement avec la tradition inuit de chasse et pêche?

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