ON VA SURVIVRE À L'HIVER!

Puvirnituq, 15 octobre 2017

L'inutttitut (on voit souvent inuktitut mais le vrai orthographe ne contient pas de k) est la langue de toutes les populations circumpolaires. Même s'il y a différents dialectes, tous les habitants du Grand-nord peuvent communiquer entre eux, qu'ils soient en Russie, en Laponie, au Nunavut ou en Scandinavie. Par exemple, les Inouits de la baie d'Ungava ont un dialecte différent de ceux de la Baie d'Hudson mais ils communiquent entre eux. Ils se sont toujours fréquentés du fait de leur nomadisme. Ils se rencontraient sur les sites propices à la pêche ou à la chasse selon les saisons.

La langue d'usage de la presque totalité de la population de Puvi est l'inutttitut alors que la langue de communications est l'anglais. Les enfants jouent en inutttitut, communiquent en anglais avec les non-inuits et soit en anglais, soit en français à l'école. Pour nous, travailleurs venus du sud, c'est l'anglais qui nous permet d'entrer en relation avec les Inuits. On passe donc une grande partie de nos journées en anglais. Pour Chantal, c'est différent. Elle enseigne toutes les matières en français... langue seconde. Ils apprennent le français pour avoir plus de chances de travailler dans les services publics. Toutefois, quand elle veut être certaine de bien se faire comprendre, elle doit souvent utiliser l'anglais; surtout dans les cas de discipline. Quand les enfants veulent communiquer entre eux, ils parlent inutttitut... avec souvent pour résultat l'émergence d'un conflit. Comme partout, les enfants mesurent leur pouvoir sur les autres en les provocant... ça donne du piquant à la journée!

Au Québec, les deux langues officielles sont le français et l'anglais ; pas l'inutttitut et l'anglais! Je ne sais pas comment je me serais senti dans leur position. Peut-être que je serais parti à la chasse ou à la pêche... Plusieurs font encore ce choix.

L'inukshuk est utilisé comme repère partout dans la toundra
On est à la mi-octobre, c'est blanc partout certains jours et il y a encore des oies ; pas beaucoup, mais il en reste. Des irréductibles! Elles n'auront pas le choix d'ici peu, c'est assuré. Nous, on aura le choix et on va rester pour voir l'hiver.
Elles attendent que la température soit insoutenable pour partir!

Celui-là est le mâle de la semaine dernière. Je n'avais pas de caméra à la chasse.


Parmi mes rêves en prévision de notre venue ici, il y avait celui de faire des choses avec les Inuits. J'ai le bonheur de passer beaucoup de temps avec mes collègues de travail et surtout de partager du temps de chasse et de pêche avec l'un d'entre eux, Moustaffa. On a développé une belle relation de fraternité et nous avons beaucoup de plaisir à partager du temps. Je suis son partenaire de chasse.

Mardi dernier, on a foxé du travail à 9h30 pour aller à la chasse. Il faisait gris mais le vent était faible... ce qui est plutôt rare et il faut en profiter quand ça se présente. Cette fois là, on est partis en VTT parce que la veille Chantal et moi étions allés marcher dans la toundra et qu'on avait vu des pistes de caribou.

Après 2 heures de déplacements à se faire brasser la carcasse sur nos véhicules tout terrain, croyez moi, c'était vraiment du tout terrain, on a aperçu trois caribous à environ 1 km devant nous. On a tenté de les toucher... Moustaffa en a atteint un mais pas fatalement et ils ont pris la fuite. On a poursuivi notre déplacement dans la direction de leur fuite et les avons revus, 30 minutes plus tard, à plus de 1 km de nous. Après avoir analysé la topographie attentivement, nous avons tenté une approche à couvert. Une trentaine minutes de déplacement en VTT, un grand détour, nous avons laissé nos montures et tenté de retrouver les trois bêtes à pieds. On s'est séparés pour franchir une colline que nous avions identifiée plus tôt et, après une vingtaine de minutes de chasse fine, j'ai  aperçu un veau ; lui aussi m'a vu! Je l'ai laissé partir dans l'espoir de voir les autres, des adultes. Comme le veau partait dans une direction qui le rapprocherait de Moustaffa, ce choix s'imposait. Dès qu'il a disparu derrière la colline, j'ai fait un sprint d'une centaine de mètres et c'est alors que j'ai aperçu les trois caribous. Ils étaient à plus de 250 m de moi. J'ai commencé à tirer, ce qui a alerté Moustaffa qui a lui aussi fait son sprint dans ma direction et c'est alors qu'il les a vus. Ils étaient plus près de lui et, comme il est champion canadien de tir à la cible, il a abattu les deux premiers alors que j'ai abattu le veau. Il est un incroyable tireur! Avec une vieille 303 datant de la guerre de 1914-18, il peut toucher une cible en mouvement à plus de 500 m sans problème.

C'est alors que j'ai pris conscience de l'importance qu'il accorde à la chasse de subsistance. Le soulagement qu'il a ressenti à l'idée de pouvoir remettre de la viande dans son congélateur était palpable.

C'est le temps du faisandage... au moins une semaine.
Nous avons dépecé nos prises sur place. J'ai pu observer le soin qu'il apportait à prélever tout ce qui est comestible sur chaque bête. Les abats, le gras, les parties moins intéressantes pour la table réservées pour les chiens et le reste prélevé avec soin et enveloppé dans la peau et fixés solidement sur le VTT. Les peaux seront séchées et utilisées comme couvre-lit dans un éventuel igloo ou dans un campement de pêche. Il a eu le temps de dépecer ses deux prises pendant que je m'occupais de la femelle que j'ai choisi de conserver à sa suggestion. Il voulait que nous partagions le tout en deux lots... je n'ai pas de chiens et ça aurait été trop pour nous deux.

Le retour a bien été bien que j'aie perdu un quartier de ma prise... la longe! Adieu T-bone et filet mignon! Arrivés à la maison à la brunante, j'ai suspendu les quartiers de viande dans le cabanon pour laisser faisander la viande une dizaine de jours ou jusqu'au premier avertissement de gel intense. Actuellement, la viande n'a pas encore gelé, le mercure se maintenant entre 0 et 4°C jour après jour. C'est parfait! On a fait du pâté de foie pour l'hiver... c'est meilleur que frit avec du bacon.

Mon VTT est toujours en croisière! Le vent est responsable du retard du bateau. Même s'il peut naviguer, il doit se mettre à l'ancre en eaux profondes et le transbordement s'effectue à l'aide de barges qui ont peu de tirant d'eau. C'est cette opération qui nécessite une mer relativement calme. Hier, le vent atteignait des pointes de 100 km/h! On sait que le bateau est à environ 150 km d'ici. Il va certainement arriver cette semaine. Par chance, Julie, celle qui m'a prêté son Honda, n'est toujours pas revenue de vacances. Je l'attends pour aujourd'hui mais elle ne m'a pas dit sa date de retour... J'ai aussi toujours mon magnifique Chevrolet avec la porte droite qui s'ouvre toute seule et presque toutes les lumières du tableau de bord allumées. En passant, un gros point d'exclamation rouge qui clignote, ça doit vouloir dire «Yesss, go mon chum! Profites-en pendant que ça marche!» Ça doit expliquer en partie l'état pitoyable de l'ensemble des véhicules.



Commentaires

  1. Comme tu semble nous décrire de beaux moments, que tu apprécie.
    Te connaissant, nous savons que tu es tellement un bon ami à découvrir. Toi et Moustaffa aurez plein de choses à partager.

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  2. Vous vous impressionnez..... Quelles leçons de vie vous allez y chercher!!!!! Très intéressants, tes messages......

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